Sur le perron d'une immense, immense maison se tient la plus petite fille du monde. D'autant plus minuscule qu'elle est enfoncée dans un pull bleu en laine, bien trop grande pour elle, qui fait disparaître ses mains dans ses manches démesurées. On aurait dit Simplet, dans Blanche-Neige. A l’exception faite que Ree était aussi intelligente qu'elle était ridiculement petite pour son âge.
La gamine était épuisée. Elle tenait dans ses bras un carton, tristement léger quand on considérait qu'il contenait toutes ses affaires. Sa mère l'avait réveillée en pleine nuit, et sans aucune explication, avait dit :

▬ On s'en va.
▬ Où ça ?
▬ On s'en va, Ree.

La mère de Ree était la plus belle maman du monde. Elle avait de longs cheveux bruns et épais, était grande et mince, et avait les yeux d'un bleu si magnifique qu'ils pouvaient couper le souffle rien qu'à les regarder.
Ree, elle, avait les yeux noirs, et n'était pas plus jolie que la moyenne. Elle supposait qu'elle devait tenir ça de son père. Mais ça, elle n'avait pas vraiment de moyen de le savoir, vu que celui-ci avait disparu de la circulation, et que jamais son nom n'était sorti de la bouche de sa mère.
La petite était contente comme ça. Elle aimait bien pouvoir imaginer à quoi son père ressemblait, et penser qu'il était un héros. Même si c'était faux, elle n'avait aucun moyen de le vérifier.

Ree obéissait à sa mère sans même hésiter. Elles vidèrent leur minuscule appartement en un temps record, firent leurs valises, et sortirent dans la nuit encore noire. Ree n'avait aucune idée d'où elles allaient, ni pourquoi elles y allaient, mais elle suivait sa mère, son modèle, avec aveuglement.
Elle prit le train pour la première fois. On n'eut pas besoin de lui recommander d'être sage, elle l'avait toujours été. Sage comme une image, toujours. Elle resta assise sur son siège, regardant le paysage défiler, et la ville laisser place à une nature de plus en plus sauvage.

La maison était immense. Surtout vue par une petite fille pas plus haute qu'un mur de taille moyenne. Elle semblait vieille, aussi, toute tordue, toute en pierre, bordée par un pan de forêt qui semblait manger l'arrière du jardin. La mère de Ree n'avait jamais vraiment eu d'argent. C'était assez étrange, que du jour au lendemain, elles emménagent dans un endroit pareil. Mais Ree avait depuis longtemps arrêté de poser des questions à sa mère, qui avait pour habitude de ne jamais répondre. La gamine, à sept ans, basait sa vie sur des hypothèses. Et ça lui allait très bien.
La mère de Ree était une personne particulière. Mystérieuse, distante, mais il ne faisait pas de doutes qu'elle aimait sa fille. Simplement, elle n'était pas de ces personnes qui expriment leur affection. Elle parlait peu, passait beaucoup de temps seule. Avait un jour besoin de proximité, et le lendemain souhaiter éviter tout contact. Ree ne s'expliquait jamais les décisions soudaines de sa mère, comme celle de plaquer sa vie, couper tous les ponts et aller s'installer dans l'endroit le plus reculé du monde. Elle faisait juste avec.

La maison était immense, pleine d'escaliers, de pièces pleines de poussières, de cachettes secrètes. Un terrain de jeu illimité, pour Ree. L'exploration de la maison fut une chasse au trésor en solitaire qui dura plusieurs années. Retrouver toutes les clés des portes fermées, explorer les couloirs la nuit, armée seulement d'une bougie, c'était ce que Ree aimait le plus. La gamine était aventureuse, et aimait se faire peur. Croire aux fantômes dans le grenier, sentir ce rush d'adrénaline quand on marche dans les couloirs en pleine nuit, avec comme seuls bruits les craquements du parquet, et ces formes sombres que seuls les enfants voient comme d'horribles monstres.

Les Hattaway ne mirent pas longtemps à avoir une certaine réputation dans le village. Cette maison inquiétante, aux volets toujours fermés, cette femme qui élevait seule sa fille, et ne sortait pas de chez elle. Pas de père en vue, et la gamine qui passait ses journées à explorer la forêt. Les gens chuchotaient. Les gamins, à l'école, traitaient la mère de Ree de sorcière.
Sans savoir à quel point ils avaient raison.

Quand on vit dans un village si minuscule que son école n'a qu'une classe pour chaque niveau, il est impossible d'échapper aux gens qui nous détestent. Les enfants sont cruels, et le sont encore plus en groupe. Ree était trop bizarre pour eux. Elle portait des vêtements bizarres, vivait dans une maison bizarre, et lisait des livres bizarres. Et de toutes façons, les enfants sont des éponges à opinions. Si leurs parents déclaraient que les Hattaways étaient une famille étrange et malsaine, c'était comme une feu vert pour maltraiter la gamine.
Ree était forte. Les insultes et les accusations, même les pires d'entre elles, glissaient sur elles sans qu'elle fasse mine de s'en soucier. Bien sûr, qu'elle était blessée. Mais si elle continuait à sourire, elle allait réussir à persuader tout le monde, elle y comprit, qu'elle s'en fichait.
Aucun des enfants de moldus de son école ne croyaient sincèrement que sa mère était une sorcière. C'était juste une insulte classique, si facile à lancer. Parfois, elle brûlait de leur répondre que c'était vrai, juste pour voir leur réaction. Elle brûlait de savoir leur lancer des sorts si horribles qu'ils leur fassent demander pardon en pleurant.

Le temps passa. Les gens se lassèrent. Tous, sauf cette fille. Elle était blonde, elle faisait de la danse classique, et était obsédée par la victoire. Et elle détestait Ree depuis que celle-ci avait mis les pieds dans l'école. Et pire que les autres encore, elle semblait la tenir pour responsable de tous les trucs bizarres qui lui arrivaient. Et même après plusieurs années, elle continuait les piques mesquines et les insinuations perfides.
A l'école, Ree n'avait pas d'amis. Elle s'asseyait seule à une table, travaillait seule, rentrait seule chez elle, et allait lire des livres sur la magie dans sa chambre, juste sous les poutres du toit. Elle s'était faite à la solitude. Et elle ne la dérangeait pas.

Puis quelque chose arriva. Un jour de classe, cette fille qui la détestait lança quelque chose de vraiment blessant. Si insultant, que toute la classe se tut pour la regarder avec de grands yeux, tellement personne n'aurait osé dire une chose pareilles, même à Ree. Puis il y a eu ce garçon, qui habituellement ne disait jamais rien, qui ouvrit la bouche.

▬ Laisse la tranquille.

Tout le monde était surpris. Lui le premier, Ree encore plus. Parce que c'était la première fois qu'on la défendait. Ce jour là, elle s'assit à côté du garçon en classe. Puis ils déjeunèrent ensemble. Et puis ils rentrèrent ensemble en discutant. Ree ne pouvait plus se taire. Elle n'avait jamais autant parlé de sa vie. C'est comme si tout ce qu'elle n'avait jamais pu dire dans sa vie sortait maintenant, comme si toute l'espièglerie qu'elle contenait éclatait autour d'elle en la faisant rayonner.

C'est ainsi que Ree se fit le premier ami qu'elle n'ait jamais eu. Ils étaient inséparables. Ils arrivaient à savoir ce que pensait l'autre avant même que l'autre ne le sache lui-même. Il ne disait pas grand chose, Ree répondait pour lui. Ils finissaient les phrases l'un de l'autre comme si ils se connaissaient depuis toujours. Et ils partageaient leurs biscuits. Il mangeait le chocolat, et elle mangeait le biscuit. Les autres enfants trouvaient ça immondes. Ils s'en fichaient.

Les années passent plus vite quand on a quelqu'un pour les passer avec soi. En un battement de cils, Ree eut onze ans.
Et elle reçut une lettre.

▬ Gryffondor !

Ree se leva, et retira le Choixpeau, un peu étourdie par les applaudissements venant de la table des rouges et or. Un peu euphorique, un peu excitée, le cœur qui battait dans sa poitrine. Poudlard était encore plus grand en vrai. Et pourtant, elle, elle avait grandi. Elle n'était plus la même petite souris qui peinait à atteindre les poignées de portes. Pourtant, elle portait toujours les mecs plus trop grands.
Elle regarda autour d'elle. Ici, les gens étaient comme elle. Pas un seul d'entre eux allait la traiter de sorcière. Enfin, ils pouvaient toujours essayer, mais ce serait ridicule. Elle ne pouvait pas s’empêcher de sourire.

Durant six ans, Ree s'épanouit à Poudlard. Elle parlait beaucoup plus, maintenant, et se révéla enjouée et sociable. Elle adorait étudier ici. Elle mettait un point d'honneur à être excellente en toutes les matières, sans jamais savoir quelle était sa préférée.

Ree entame sa sixième année, après avoir passé ses BUSEs avec brio. Et avec la ferme intention de profiter de cette année.